Une coopération particulière : la carte du Mont McKinley de 1960

06. Oct.. 2021

Carte du Mont McKinley, 1960 (extrait)

En 1951, des avions de reconnaissance de l’US Air Force ont survolé le Mont McKinley, le plus haut sommet d’Amérique du Nord qui culmine à 6190 mètres au-dessus du niveau de la mer. Ils ont pris des photographies aériennes de l’ensemble du massif de McKinley, à l’intérieur des terres en Alaska. La cheville ouvrière de ce travail de mensuration était Henry Bradford Washburn (1910-2007). L’alpiniste, photographe, cartographe et directeur du Boston Museum of Science avait une passion pour cette montagne. Il a entrepris à plusieurs reprises des expéditions au Mont McKinley et son épouse Barbara fut la première femme à le gravir en 1947.

​Connaissances du terrain​

Les bons échanges entre Boston, Heerbrugg et Wabern ont été indispensables à la réussite du projet de cartographie, notamment parce que Bradford Washburn était la seule personne ayant une expérience directe sur le terrain dans la région de McKinley. Il était les yeux et les oreilles du projet sur le terrain. Par conséquent, de nombreux éléments de la carte étaient façonnés par sa perception individuelle de la région. Par exemple, il était important pour Bradford Washburn que les zones de végétation situées au nord de la carte apparaissent dans un vert vif. Il l’a suggéré dans une lettre à Paul Ulmer en 1958 : 

« Une vallée stérile et rocheuse [en Alaska] est sans vie et pauvre à vivre. Une vallée verdoyante (même s’il n’y a pas d’arbres) est un lieu paradisiaque, et je crois que nous devons le montrer [...]. »

L’expérience de Bradford Washburn en tant qu’alpiniste du McKinley a également contribué à l’élaboration de la carte. C’est ce qu’on a pu voir, par exemple, en 1959, dans un commentaire sur la représentation des rochers par Paul Ulmer : 

« [Je suis] d’avis que les détails des affleurements rocheux qui descendent du pic N. au glacier Harper devraient ressembler le plus possible aux vrais affleurements rocheux [...] car il s’agit de la principale voie d’accès à la montagne et, par mauvais temps, l’identification précise des sommets inférieurs de ces affleurements rocheux est souvent le seul moyen de savoir où l’on se trouve ! »

Une carte nationale particulière

Après trois ans d’échanges intensifs de lettres, de télégrammes et de rencontres personnelles, le moment est enfin venu en juillet 1960 : le Service topographique a imprimé la carte McKinley à Wabern près de Berne. Le tirage a été de 31 642 exemplaires, dont un bon tiers est allé au Boston Museum of Science et donc au marché américain. Bradford Washburn a fait le voyage de Boston en Suisse spécialement pour ce grand moment. Il voulait assister à l’impression et avoir un dernier mot à dire dans les corrections finales, notamment dans les couleurs.

Le produit qui a émergé après environ dix ans de travail acharné était vraiment une œuvre magnifique : à première vue, elle ressemblait comme deux gouttes d’eau à une carte nationale suisse. Un regard sur les détails relativise toutefois cette impression. Par exemple, la carte McKinley avait des couleurs plus vives que les cartes nationales suisses et les altitudes étaient indiquées en pieds et non en mètres. Le contenu de la carte ne pouvait pas non plus être tiré d’une carte nationale : comme l’a souligné le directeur du Service topographique, Ernst Huber, en 1960, il n’existe aucune étendue de terre en Europe « où la roche et la glace se sont unies pour former un monde glaciaire couvrant une zone aussi vaste ». En ce qui concerne le pouvoir unificateur de la carte, il a exprimé un espoir : « Si nous avons réussi à rapprocher nos camarades américains de leur propre et magnifique monde de la montagne, alors nos milliers d’heures de coopération ont atteint leur but. »

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